Critique : « Laurence Anyways » de Xavier Dolan

À 23 ans, Xavier Dolan en est déjà à son troisième long métrage… Après les remarqués « J’ai tué ma mère« , qui évoquait les relations on ne peu plus tendues entre un ado homosexuel et sa mère, et « Les amours imaginaires« , l’histoire d’une sorte de ménage à trois platonique dans lequel deux amis (un gars, une fille) se disputaient le même éphèbe, il revient sur les écrans avec « Laurence Anyways« , une histoire d’amour sur fond de transidenté. Si son style baroque et volontiers esthétisant peu agacer, il faut reconnaître que le jeune cinéaste québécois a réussi en quelques petites années à marqué sa patte faite entre autres de ralentis bariolés sur fond de musique pop dans le paysage du film francophone. Son dernier film s’est d’ailleurs vu récompensé de la Queer Palm au dernier Festival de Cannes, qui a toujours fait honneur aux films de Xavier Dolan dans la sélection « Un certain regard ».

Si « Laurence Anyways » parle d’un homme qui veut (et va) devenir femme, c’est avant tout d’une histoire d’amour dont il est question. Celle d’un couple passionné : lui, Laurence (Melvil Poupaud), prof de littérature de 35 ans et jeune romancier prometteur. Elle, Fred (Suzanne Clément), scripte dans le cinéma, qui l’aime depuis quelques années. Sauf qu’un jour, Laurence révèle à Fred qu’il a toujours voulu être une femme, et lui demande de l’accompagner dans son processus de transformation. Voilà de quoi ajouter à la confusion des genres déjà instaurée dans le choix de leurs prénoms (comme Fred, Laurence est un prénom mixte au Québec)… Cette métamorphose de Laurence en femme, que l’on suivra sur une dizaine d’années (de la fin des années 80 à la fin des années 90) n’est pourtant pas le sujet central du film, puisque c’est sur la relation entre ces deux personnages qui s’aiment et se déchirent que Dolan se concentre.

A travers les différentes étapes qui marquent le parcours de Laurence vers sa transformation finale, le cinéaste explore des thèmes multiples. Comment accepter que ce qu’on aime chez l’autre est tout ce qu’il déteste chez lui, comme lui crie Fred quand il apprend sa décision. Comment l’accompagner malgré tout dans sa transformation et faire face au regard des autres et de la société. Comment conserver le désir pour quelqu’un qui change de genre… Si Fred tente au départ tant bien que mal de soutenir Laurence dans sa démarche et son parcours du combattant, au détriment de ce qu’elle veut (« un homme »), leur couple ne pourra survivre à la volonté d’être elle-même de Laurence. Une histoire d’amour tragique et moderne en somme, mais pleine de vie, de force et d’espoir. L’espoir que Laurence garde de retrouver un jour celle qu’elle aime, mais qui ne peut pas l’aimer telle qu’elle se veut être.

Il faut saluer ici la prestation d’une grande sobriété de Melvil Poupaud, qui évite l’écueil d’en faire trop et s’avère à la fois convainquant et très touchant. Sa prestation est cela dit quasiment éclipsée par celle de sa partenaire Suzanne Clément, criante de vérité, d’amour, et d’une rage qu’elle laisse éclater au détour de scènes particulièrement intenses. Le reste du casting n’est pas en reste avec notamment une Nathalie Baye épatante dans le rôle parfaitement écrit de la mère de Laurence, et Monia Chokri, irrésistible, qui incarne la soeur lesbienne de Fred.

Si on peut reprocher au film sa durée peut-être un peu excessive et ses effets de style parfois un peu trop appuyés (il faut aimer), il faut reconnaître que « Laurence Anyways » est un film d’une grande force et d’une grande beauté, qui ne laisse pas le spectateur indifférent. Son auteur est décidément un jeune réalisateur à suivre.

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